Retournement de situation intéressant au procès de membres du Collectif contre les expulsions, à Bruxelles. A l’image des débats qui se sont tenus jusqu’à présent, le réquisitoire a été tout en nuances, en contextualisation et relativisation. Seule une peine d’amende a été requise pour un seul fait.
Le ton était déjà donné avec le témoignage du juge d’instruction Damien Vandermeersch à une audience précédente. Impossible de considérer les préventions mises à charge des militants du collectif (bris de clôture, coups et blessures, rébellion, port d’arme prohibée, avoir favorisé l’évasion de quelqu’un…) sans les replacer dans le contexte de l’époque.
A la fin des années 90, le Collectif contre les expulsions manifestait régulièrement contre les centres fermés pour demandeurs d’asile et le rapatriement forcé des sans papiers. La mort de Semira Adamu lors d’une de ces expulsions et le rapatriement forcé de 74 Roms caractérisaient également ce contexte.
La répression qui s’est abattue sur le collectif fut féroce et une vingtaine de militants furent renvoyés devant le tribunal correctionnel. Mais depuis le procès, le ton est plutôt au dialogue et aux explications.
Le réquisitoire du procureur du Roi s’inscrit dans cette ligne. Pascal Tilliet a fait le toilettage de toutes les préventions. Destruction de véhicule, en bande ? Le véhicule n’a pas été gravement endommagé, répond le procureur. Entrave méchante à la circulation ? Pas le cas. Port d’arme prohibée ? Un Opinel, que l’on peut trouver partout. Outrages à agents ? Juste des injures dans un contexte tendu…
Ce contexte, ce sont notamment des manifestations devant le centre 127 bis. Comme cette nuit du 21 au 22 juillet 1998 où le collectif manifestait contre l’expulsion de Semira Adamu. A cette occasion une vingtaine de « détenus » se sont évadés.
Le procureur explique : les incidents étaient plutôt localisés à l’intérieur du centre. Les gens couraient partout dans un bazar indescriptible, ils escaladaient des grilles. On ne peut dire qu’il y ait eu une intention préalable de les faire évader. Juste un enchaînement de circonstances.
A un autre moment, le procureur précise que l’on ne peut tout mettre sous une prévention fourre tout de rébellion. Pascal Tilliet a juste requis une peine d’amende pour une manifestation interdite dans la zone neutre, près du parlement.
Pour les autres délits, il propose de les requalifier en contraventions qui sont dès lors prescrites. Plus aucune peine attribuable.
En fin de réquisitoire, Pascal Tilliet a souligné l’importance du respect des manifestations, si elles restent non violentes. Il a insisté aussi sur l’importance du dialogue entre parties, comme il a pu se produire devant le tribunal. Et il a demandé à ce tribunal de faire la part des choses dans son jugement.
Jean-Pierre Borloo - Le Soir, 6 novembre 2003
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