Le monde politique ne semble pas prêt à revoir sa copie

Vande Lanotte et les « prisons » pour « victimes »
vendredi 25 septembre 1998.
 

Le fossé se creuse entre la classe politique et le monde associatif qui tente de donner un sens à la mort de Semira Adamu. Les discours s’écartent, les débats du week-end en ont été l’illustration. Alors que les nombreux manifestants réclament un changement radical de pratiques, du côté politique, et à quelques vertes exceptions près, les volontés de revoir fondamentalement la loi Vande Lanotte sont pour le moins timides. La thèse de la bavure policière transpire des analyses. L’émotion passée, ce discours-là s’intensifiera, n’en doutons pas. S’ils ne couvrent pas la mort, la violence et la torture - dixit Maystadt -, les « responsables » politiques assument tout le reste : de la philosophie répressive de la politique d’asile à la loterie de la procédure administrative en passant par l’enfermement des déboutés. Jusqu’ici, aucun n’a, en outre, prit le risque de remettre en cause le fonctionnement même de l’Office des étrangers. II y aurait pourtant matière.

Exemples extraits d’un entretien accordé au Soir des 16 et 17 décembre 1995 par M. Schewebach, directeur : « On applique la loi. Avec les avocats, je cherche à gagner du temps et à éviter leurs visites. On devrait expulser 800 personnes par mois. Quand on fait des contrôles de routine, il y a de quoi mettre 800 personnes par mois en prison [...] Il faut savoir que le système des rapatriements a longtemps été gâché par les interventions politiques. Jusqu’au jour où Tobback a dit à l’administration de ne plusse préoccuper des interventions extérieure. Un avocat disait « Une vie n’a pas de prix ». Si, elle en a une pour la collectivité [...] Pour le sida ou le cancer, on ne sait pas toujours que faire. Si on ne peut quand même pas guérir la personne, pourquoi la garder ? C’est un problème de coût pour la collectivité et de décision politique. D’autre part, si on devait être tolérant, on va attirer d’autres migrants.  »

La publication de ces propos n’a jamais suscité la moindre réaction, le moindre démenti, la moindre sanction. Pire. En février 1996 - le 2 précisément - le ministre de l’Intérieur, Johan Vande Lanotte en confirme pour partie leur teneur dans les colonnes de La Libre Belgique. « Si nous voulons être crédibles et si nous mettons les moyens nécessaires, nous devrions arriver à 15 000 expulsions d’ici trois ou quatre ans. C’est un chiffre « fétiche ». Il y en a d’autres. »

Un peu plus haut, l’ex-ministre expliquait : « L’an passé, 6.000 étrangers ont quitté le pays : 500 ont dû être escortés par la gendarmerie. Ce sont avant tout des victimes. Il faut en tenir compte. » Plus loin, évoquant les centres fermés, il précise encore que le personnel y accomplit des tâches policières et joue un rôle de « gardien de prison ». L’ex-vice-Premier ministre socialiste flamand définissait donc un concept nouveau de « prison » pour « victimes ».

Nous n’avons pas le souvenir non plus de la moindre réaction à ces propos. Il a fallu un meurtre dans le cadre de l’application des lois pour entendre des responsables parler d’ « humanisation ». Jusqu’au coussin mal appliqué, la classe politique a avalé toutes les couleuvres et avalisé toutes les libertés prises avec les Droits de l’Homme. Comment, dans ces conditions, s’étonner qu’elle ait été priée de rester à l’écart des hommages rendus à la victime !

D. Ri. - Le Matin - 25.09.98


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