Semira Adamu est passée ce jeudi matin devant la chambre du conseil qui doit statuer sur la prolongation de sa détention au centre fermé 127 bis. La jeune Nigériane, qui fait toujours l’objet d’un ordre de quitter le territoire, nous a contactés par téléphone. Ses paroles reflètent une grande prudence.
Semira a failli être rapatriée le 21 juillet par un vol Sabena. On l’a fait asseoir de force dans l’avion. Je me suis débattue, j’ai crié, raconte-t-elle. On lui a alors pressé un coussin sur le visage qui m’étouffait presque. Des passagers sont intervenus pour prendre sa défense. Il y a presque eu une bagarre dans l’avion. A son retour, Semira a été placée en cellule d’isolement. Pas très longtemps, pendant 4 heures, précise-t-elle. Elle a été remplacée quatre autres femmes punies pour avoir tenté de s’évader. Les visites sont toujours interdites et je n’ai aucune information officielle. Je ne sais pas ce qui va m’arriver. Ni si une autre expulsion sera tentée.
Comment se passe son séjour au 127 bis depuis l’évasion ? Je préfère ne pas en parler. Cela pourrait avoir trop de conséquences... Semira admet cependant que l’atmosphère est bien plus lourde et les consignes très sévères à l’égard de l’ensemble des illégaux détenus dans le centre. Depuis l’évasion de mardi soir, Semira a été transférée dans une autre aile.
La réaction du commissaire général aux réfugiés qui affirme que son dossier a été refusé parce qu’il n’était pas crédible ? Que veut dire "pas crédible", répond-elle. Et pas crédible pour qui ? Moi, j’estime que je devrais pouvoir rester en Belgique même si ce n’est pas le pays que j’avais choisi en quittant le Togo.
Semira se dit également très impressionnée par la mobilisation qui s’est faite autour d’elle. L’avenir ? Je n’ai qu’un seul objectif : sortir d’ici et pouvoir refaire ma vie. Mais pas là-bas...
Le Collectif contre les expulsions, de son côté, a poursuivi mardi encore ses actions à l’aéroport de Zaventem. Les participants avaient pris la précaution d’amener avec eux le député ecolo Olivier Deleuze qui a dû intervenir pour empêcher l’embarquement des manifestants. Nous sommes surveillés en permanence par deux gendarmes de la BSR en civil, explique Serge Thiry, du Collectif. Ils nous empêchent maintenant physiquement d’approcher des passagers et de leur parler.
Motif : leur action - qui se déroule dans le hall de l’aéroport - constituerait un danger pour la sécurité du vol (!). Cette "explication" officielle ne fait cependant plus rire Serge Thiry qui se demande dans quel engrenage on les entraîne en les empêchant de faire des actions non violentes. La surveillance policière ne vise pas seulement les actions du collectif.
Plusieurs perquisitions ont eu lieu à Bruxelles et à Liège chez des personnes soupçonnées d’avoir hébergé les demandeurs d’asile évadés du 127 bis.
Le Collectif veut aussi mettre la pression sur la Sabena dont les avions servent à la plupart des rapatriements forcés vers l’Afrique. Une "pression" que le porte-parole de la Sabena, Eric Platteau, n’apprécie guère. Ce dernier avait d’ailleurs rencontré, il y a quelques mois, les responsables du Collectif pour préciser la position de la compagnie aérienne. Ce sont les autorités qui décident des rapatriements, pas nous. Nous sommes des transporteurs aériens et nous n’avons pas à juger des décisions du gouvernement. La Sabena, ajoute son porte-parole, est néanmoins très sensible au problème. Quand la personne expulsée est dans l’avion, le transport se fait dans le respect des droits de l’homme. Ce qui se fait avant ou après l’embarquement n’est pas de notre responsabilité.
Oui, mais des agents de la sécurité de la Sabena accompagnent régulièrement la personne qui doit être expulsée. Et Semira raconte avoir été maintenue de force sur son siège par huit personnes, dont deux appartenaient au service de la Sabena. Ce qui semble étonner Eric Platteau : Nous n’avons jamais eu de témoignages de cas de violence commis dans l’avion. C’est pourtant celle-ci qui a amené les passagers du vol Bruxelles-Lomé à réagir.
Martine Vandemeulebroucke in Le Soir, 31 juillet 1998
Date | Nom et site Web | Message |