Ligne ouverte à Aline Dhavré, citoyenne

mercredi 30 septembre 1998.
 

Le mardi 22 septembre, Semira Adamu était assassinée. Le lendemain, faisant suite à l’appel de nombreux comités blancs, la coordination nationale décide d’envoyer un communiqué de soutien. Le surlendemain, jeudi 24, des membres des comités blancs et de la coordination participent à la manifestation devant l’Office des étrangers qui se poursuivra jusqu’au palais de justice.

Une dépêche Belga, diffusée aux rédactions à 9 h 35, apprendra, le vendredi, que le monument dressé au lendemain de l’arrêt spaghetti à la mémoire de Julie et Mélissa a été saccagé « vers 3 ou 4 heures du matin » par des inconnus qui y ont mis le feu et « déversé du plâtre liquide sur les portraits d’enfants, les fleurs et les textes qui chaque jour rappelaient la tragédie des enfants disparus ou assassinés aux milliers de personnes qui entrent et sortent du palais de justice ». La dépêche enchaîne en écrivant que « vendredi matin, la police de Bruxelles se demandait cependant si on était réellement en présence d’un acte intentionnel. Il se peut, disait la police sur place, que ces manifestants du collectif contre les expulsions soient revenus au palais de justice - une inscription "Semira" trouvée sur place semble en témoigner - et que l’incendie soit imputable à une imprudence et une maladresse. »

L’information sera rapidement répercutée par la radio (RTBF) sans que soient relevées les contradictions du texte. En ressort en effet : on a saccagé le mémorial et on soupçonne le collectif contre les expulsions. On est, en d’autres termes, en présence d’un amalgame entre le factuel Belga (thèse de l’acte volontaire, auteurs inconnus) et l’hypothèse policière (maladresse imputable au collectif contre les expulsions).

Vers 11 heures, plusieurs membres des comités blancs se donnent rendez-vous sur les marches du palais pour constater et réparer les dégâts, mais aussi pour dire à ceux qui venaient nous soutenir que nous, aussi, sommes solidaires de Semira, de ceux qui l’ont aidée et de ceux qui s’en indignent aujourd’hui. Résultat : le mémorial est plus beau qu’avant et il y a plus de photos d’enfants disparus et aussi celle de Semira.

Son nom écrit à la craie rose tout autour du mémorial n’est pas une dégradation. Il semble plutôt traduire le fait que des personnes ont immédiatement fait le lien entre elle, Loubna et les autres, et voulu qu’on se souvienne d’elle aussi. Il est plus probable que ces inscriptions ont été faites à un autre moment et n’ont, elles non plus, rien à voir avec l’incendie.

De dégradations réelles, il y en avait. II y avait du charbon de bois, des traces d’huile inflammable et les photos étalent abîmées, les fleurs brûlées ou arrachées. Heureusement qu’une amie est arrivée avec des seaux, des brosses et un drap blanc pour nettoyer le plus gros et recouvrir la suie de charbon de bois que nous n’avons pu tout à fait effacer. Du plâtre, on n’en a pas vu : il y avait de la poudre blanche et des traces d’eau, mais ce serait plutôt les conséquences de l’intervention des pompiers. Tout cela. les journalistes arrivés avant nous (procès Agusta-Dassault) ont pu le voir et le filmer.

Au JT de la RTBF de 12 h 45, un représentant de la police de Bruxelles annonce un démenti : il s’agirait d’un accident, les bougies ont mis le feu aux photos. Ce qu’on entend entre les lignes : au fond, il n’y a rien eu...

Voilà le scandale et voici les questions qu’il pose.

A la police de Bruxelles : Pourquoi n’avoir pas cherché à identifier les « inconnus » à l’aide des caméras de surveillance qui surveillent en permanence le péristyle du palais de justice ? Pourquoi avoir soupçonné d’emblée le collectif alors que la manifestation rassemblait plusieurs milliers de personnes, gérée dans le calme parce collectif ? Pourquoi avoir fait le lien avec une manifestation terminée plusieurs heures avant l’incendie ? Pourquoi parler de maladresse alors que tous les indices tendent à démontrer qu’il s’agit d’un acte volontaire ? Pourquoi avoir réaffirmé la version de l’accident au lieu de poursuivre l’enquête ?

Aux journalistes concernés : Pourquoi, au départ d’une dépêche Belga aussi ambiguë, n’avoir pas vérifié l’info, ou, sachant que l’incendie semblait volontaire, l’avoir amalgamé avec des suspicions vagues de la police de Bruxelles, créant un lien immédiat entre l’acte volontaire et la responsabilité présumée du collectif ?

A tous : Pourquoi, en Belgique, les citoyens doivent-ils sans cesse poser les questions que les professionnels et les « mandatés » ne posent pas, ou posent mal ?


0 signatures à cette pétition

Forum de l'article

Date Nom et site Web Message