« Toute la violence venait de l’extérieur »

L’ aumônier et le chef de la sécurité de Zaventem entendus hier au procès Sémira
vendredi 19 septembre 2003.
 

Si Sémira Adamu était escortée par des gendarmes lors de la tentative d’expulsion forcée qui lui fut fatale le 22 septembre 1998, c’est parce que le service de sécurité de la Sabena ne se jugeait plus en mesure d’effectuer certains rapatriements.

Mais à partir de début 98, a expliqué hier M. Vandenbergen, le chef du service de sécurité de la Sabena depuis 1997, il devenait impossible de mener une expulsion à bien. Le scénario de résistance des rapatriés était toujours le même. Nous avions de graves problèmes à ce niveau.

L’homme prévient alors, par écrit, le ministre de l’Intérieur Louis Tobback. J’ai demandé qu’il fasse appel aux services spéciaux de la gendarmerie. Parce que j’estime que ce n’est pas à des citoyens d’utiliser la violence à l’encontre d’autres citoyens. C’est un principe que j’ai strictement imposé, et ce, dès mon arrivée à la tête de ce service : la violence ne pouvait être utilisée par le personnel de la Sabena. Celui-ci n’a d’ailleurs jamais utilisé la technique du coussin.

La Sabena payait

D’avril à septembre 1998, seize personnes furent renvoyées dans leur pays par l’escadron spécial d’intervention de la gendarmerie, sur décision unilatérale du ministre Tobback. Devant le succès de ces opérations, un nouvel accord intervenait en septembre 98 pour le rapatriement de vingt autres demandeurs d’asile. Parmi lesquels Sémira.

A cette époque, il faut savoir qu’il y avait diverses pressions qui pesaient sur ces rapatriements, indique encore M. Vandenbergen. De la part du politique d’une part, mais aussi de la part de la Sabena elle-même, parce que c’était elle qui payait les gendarmes chargés des expulsions. Et il y avait en plus le Collectif contre les expulsions qui, depuis les mois de mars ou avril précédents, était actif à l’intérieur de l’aéroport.

Selon le témoin, le Collectif interpellait non seulement les passagers avant qu’ils n’embarquent, mais aussi les pilotes. Le Collectif avait des sympathisants dans le syndicat des pilotes, a précisé le chef de la sécurité.

Du Collectif contre les expulsions, il en a beaucoup été question dans le témoignage de Herman Boon, l’aumônier de Zaventem. C’est ce Collectif, estime le témoin, qui aurait poussé Sémira à se rebeller lors de ses tentatives d’expulsion.

M. Boon a connu Sémira au Centre 127 bis. C’était une chouette et gentille fille, a-t-il relaté. Mais à un certain moment, elle s’est complètement fermée, n’a plus voulu entretenir de contacts ni avec le personnel du centre, ni avec moi. Par contre, elle avait encore des contacts avec des membres du Collectif.

Changement d’attitude

Herman Boon a, à plusieurs reprises, rencontré des membres du Collectif, notamment quand celui-ci manifestait devant les grilles du 127 bis. J’ai été choqué par leur injustice vis-à-vis du personnel du centre. Un personnel sérieux, gentil et pacifique.

Selon lui, Sémira prévenait le Collectif juste avant chacune de ses tentatives de rapatriements. Certains membres se rendaient alors directement à l’aéroport. Lors d’une des tentatives, j’ai assisté à leur action dans la salle des départs : ils encourageaient les autres passagers à protester contre l’expulsion. En conclusion, l’aumônier estime que toute la violence dans cette histoire est venue de l’extérieur, de toutes les actions, manifestations et autres.

Geert De Vulder, qui dirigeait à l’époque le centre 127 bis, confirme le brusque changement d’attitude de Sémira. Et rappelle la tension qui régnait à l’époque. Il y avait des manifestations devant le centre quasi tous les jours à ce moment.
Présent dans l’avion à titre d’observateur (il était alors stagiaire, aspirant à un poste de cadre), l’adjudant Cerpentiers a clairement pu voir la scène tragique. Le coussin était appuyé sur tout le visage, a-t-il déclaré. Plusieurs fois, je me suis penché pour voir si Sémira respirait encore. Les escorteurs, eux, n’ont, selon moi, rien entrepris pour voir si tout allait bien.

Fabienne Defrance - Le Soir, 19 septembre 2003


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