Communiqué - 26 septembre 1998

samedi 26 septembre 1998.
 
Combien de Semira faudra-t-il ?

Ce samedi, 26 septembre 1998, après la cérémonie d’hommage que la société civile a rendue à Semira, le Collectif contre les expulsions a appelé les personnes présentes à cet hommage à se rendre à Bruges. C’ est dans cette ville en effet, au Refuge ", ex-prison pour femmes, Zandstraat, qu’ont été transférés les compagnons de détention de Semira.

Cette ancienne prison a été affectée à l’office des étrangers. Trois quarts du bâtiment, conçu au départ pour abriter 100 détenues, ont été cédés à la gendarmerie pour une nouvelle caserne. Les 120 détenus actuels occupent donc l’espace et les infrastructures prévues pour 25 personnes !

Les compagnons de Semira ont entamé une grève de la faim depuis mercredi matin. Dès vendredi, nous apprenions de la bouche des détenus « libérés » à Steenokkerzeel, les circonstances de cette grève. Nous apprenions aussi les violences que les autorités du camp avaient exercées à l’encontre des grévistes. Un ressortissant pakistanais nous montrait les traces de brûlures de cigarette dans son dos.
D’autres nous ont affirmé que l’on avait empêché des enfants de manger pour faire pression sur leurs parents.

A Bruges, des représentants du collectif obtenaient une entrevue avec le directeur. Ils ont eu l’occasion de rencontrer également dix grévistes de la faim qui leur ont exposé leurs nouvelles conditions de détention. C’est ainsi qu’ils ont appris que le suivi juridique des dossiers est absolument négligé par la direction.
Durant la manifestation, une vingtaine de gendarmes sont intervenus au sein du lieu de détention, munis de casques et de matraques. Selon les mots du directeur, certains détenus auraient « déraillé », poussés par la présence des manifestants à l’extérieur. Toujours selon la même source, il n’y aurait pas de blessés à l’exception d’un homme qui se serait entaillé le pied avec des débris de verre.

Des détenus nous affirmaient pourtant qu’à treize heure, c’est-à-dire avant l’arrivée des manifestants, une femme avait été tabassée à coups de pieds dans le ventre. Le directeur confirmait implicitement l’information et prétendait que celle-ci avait vu un médecin, ce que démentaient formellement les détenus. Cette femme, et quatre de ses compagnons, ont été relégués en cellule d’isolement.

Nos représentants ont vu, à leur arrivée au centre, un grand nombre de détenus appeler à l’aide en tapant sur les vitres au 1er étage du bâtiment. Quand ils sont ressortis, après le passage des gendarmes, il n’y avait plus personne derrière les vitres. Des cris ont été entendus. Refus du directeur de donner des explications précises.

Au « Refuge », les détenus masculins et féminins sont rigoureusement séparés. N’ayant vu que des hommes, nos représentants ont insisté pour rencontrer au moins la dernière compagne de cellule de Semira. Celle-ci, transférée depuis lundi 13 heures, leur apprenait qu’elle n’ avait été mise au courant de la mort de son amie qu’hier (vendredi).

A l’heure actuelle, les compagnons de Semira poursuivent leur grève de la faim, parmi eux, une femme de 79 ans, malade, et pourtant victime des pressions policières. Le directeur a interdit à nos représentants de lui rendre visite. Les représentants de notre collectif se sont longuement entretenus avec le Père Chris Saelens, aumônier du « Refuge », visiblement ému et choqué de ce qui s’y passe. Celui-ci s’est déclaré prêt à faire une déclaration devant les manifestants, mais les gendarmes l’en ont empêché.

Etant donné les déclarations du directeur, qui prétend que les violences sont dues à notre action, nous considérons que la situation à Bruges s’apparente à une prise d’otage. Nous appelons la population à agir avec fermeté mais dans le calme et la dignité, afin de ne pas donner aux gendarmes et aux gardiens des armes qui se tourneront contre les détenus. Le Collectif contre les expulsions affirme avec force sa solidarité avec les grévistes.

En dépit des atermoiements gouvernementaux et de l’immense sympathie de l’opinion publique, la situation des sans papiers est toujours des plus précaires en Belgique. Nous ne voulons pas « la peau de Louis Tobback ». Qu’en ferions-nous ?

Les scrupules des politiques nous paraissent d’une importance toute relative face à la gravité de ces situations qu’ils ne s’engagent pas à faire cesser. Nous sommes du côté des gens qui souffrent, pensent et agissent. Nous luttons pour la régularisation de tous les étrangers qui séjournent sans papiers dans notre pays. Nous luttons pour la dignité de tous : belges ou étrangers, blancs ou noirs, travailleurs ou chômeurs. Nous réclamons seulement ce qui nous revient de droit à tou(te)s : la liberté, la justice, la dignité pour tout être qui vit sur cette planète.


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