Pour Semira, les manifestants ont marché de l’Office des étrangers au palais de Justice

vendredi 25 septembre 1998.
 
Sinistre de la terreur

Jeudi soir, devant les locaux de l’Office des étrangers, boulevard Emile Jacqmain, à Bruxelles, ils étaient un millier environ à avoir répondu à l’appel à la manifestation lancé la veille par le Collectif contre les expulsions. Les slogans répétés par les manifestants n’avaient pas varié depuis la veille. Tobback démission, Tobback assassin, Non aux expulsions, Non aux exclusions...

Leurs commentaires, par contre, étaient plus variés. Pourtant, tous, qu’ils soient formulés par des Africains ou des Européens, des jeunes, des personnes âgées, des familles, ou encore des mandataires publics ou des représentants de partis politiques, tous traduisaient un profond désarroi.

UN MANQUE D’AMOUR ?

On est vraiment choqué, affirme un maman congolaise. Ce qu’ils ont fait à cette petite, c’est terrible. Je ne veux plus que cela puisse encore se reproduire. Et elle conclut, à l’attention des gendarmes, de leurs chefs et sans doute aussi de certains responsables politiques : Le problème, c’est qu’ils n’ont plus d’amour !

Deux amis, qui discutent plus loin, jaugent l’austérité du bâtiment North Gate, près de la gare du Nord, qui abrite l’Office des étrangers. La description qu’ils en font traduit leur tristesse face aux événements de Zaventem : C’est un subtil mélange de Fort Knox et d’Alcatraz , estiment-ils. Une appréciation sans aucun doute influencée par la présence massive de gendarmes devant le bâtiment. Un cordon sanitaire composé d’une ligne ininterrompue de chevaux de frise, doublée de quatre-vingts gendarmes et de deux autopompes protège en effet l’Office des étrangers.

Cela n’empêcha toutefois pas quelques mécontents de s’essayer au jet d’œufs ou de pierres en direction des vitres de l’immeuble administratif.

Soudain, un mot d’ordre est lancé : "Tous au Petit Château !" C’est à quelques pâtés de maisons d’ici, c’est un centre ouvert où on parque les candidats réfugiés , répète dans un micro l’un des organisateurs de la manifestation. Petit à petit, la foule se disperse tandis qu’un participant prédit que les deux mois pour dévoiler les résultats de l’autopsie de Semira ne serviront qu’à étouffer la vérité.

Une partie du groupe gagne les rives du canal, puis les abords du Petit Château. Certains tentent d’y entrer, sans grand succès. Le cortège se remet ensuite en route, passe devant le cabinet de Louis Tobback. Puis se dirige vers le palais de Justice. Les gendarmes, tendus, qui, lors des jets de pierre devant l’Office des étrangers, avaient coiffé leurs casques, tentaient de suivre ces manifestants "statiques" soudain devenus un cortège itinérant.

Vers 20 heures, environ sept cents manifestants, dont certains brandissaient le portrait de Semira Adamu, la jeune réfugiée nigériane, sont arrivés devant le Palais de Justice, place Poelaert, toujours suivis par les forces de l’ordre. Ils chantaient, jouaient du tam-tam, allumaient leurs briquets, tout en réclamant la suppression des camps et la démission de Louis Tobback.

Belgique, terre d’asile, certains y respirent, mais pas tous
, disait un des slogans. Les gendarmes sont restés discrets. Il n’y a pas eu d’incident. Mais déjà, un appel était lancé pour effectuer une grève de la faim tournante devant le centre fermé 127 bis de Steenokkerzeel. Les groupes ont ensuite obliqué vers la porte de Hal, où se trouve le squatt du Collectif contre les expulsions.

C.D.B. in Le Soir - 25 septembre 1998


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