BRUXELLES Nous sommes le 4 novembre 1999. Le décès de Semira Adamu date donc déjà de plus d’un an.
D’habitude, un témoin important, le juge d’instruction l’entend dans son cabinet (à Bruxelles : au 13 rue des Quatre-Bras). Ce jour là, la juge déroge à la règle : c’est elle qui se rend - avec sa greffière - au ministère du Budget. Pour y entendre Johan Vande Lanotte pour ce qu’il pense du décès de Semira Adamu alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Audition importante : Vande Lanotte est en effet le ministre qui a re-autorisé le coussin que son prédécesseur - Louis Tobback - avait pourtant interdit. Nous nous sommes procuré les P.-V. Vande Lanotte est entendu pendant une heure et demi - c’est plutôt court. On ne peut pas dire que les questions soient nombreuses. L’audition fait 5 feuillets dont la moitié ne
compte pas. 2,5 feuillets en 90 minutes : le ministre a pu peser ses réponses.
Vous me demandez… si c’est le livre du (journaliste) Chris De Stoop qui m’a fait interdire le coussin.
J Vande Lanotte : Je crois que la technique n’était déjà plus autorisée. De heer Tobback avait fixé en septembre 1993 les quatre procédés auxquels il pouvait être recourus. Le coussin n’étant pas cité, j’en déduis qu’il n’était pas autorisé. Mais c’est après la parution du livre de De Stoop que j’ai décidé de rendre visite au Détachement de la gendarmerie de Zaventem, en février 1996 (...) Mon intention était de me rendre compte sur place de la situation. J’ai constaté que les gendarmes se plaignaient de manquer de moyens. Ils craignaient surtout les morsures (risques de Sida, NdlR) des personnes rapatriées contre leur gré. Ils pensaient ne pas être suffisamment protégés. Je me souviens qu’ils m’ont demandé de pouvoir de nouveau utiliser le coussin que j’avais interdit. J’ai répondu que je ne pouvais pas décider comme ça mais que j’allais me pencher sur la problématique. J’ai mis sur pied un groupe de travail (...). Il m’a transmis
un avis nuancé qui m’a été confirmé par écrit le 31 mai 1996. « J’ai autorisé le coussin sous certaines conditions spécifiques et le général (Willy) De Ridder - alors commandant de la gendarmerie - a transmis mon accord, le 11 juin 1996, au détachement de Zaventem. Une première évaluation m’est parvenue le 14 octobre 1997. Entre-temps, coussin avait été employé quatre fois. On m’a signalé qu’il n’y avait eu aucun problème. L’évaluation était positive.
La juge demande au ministre pourquoi s’être contenté d’un avis de la gendarmerie et n’avoir pas pris d’avis extérieur.
"J’étais d’avis que c’était irréaliste (onrealistisch). On a regardé quand même entre-temps à l’étranger pour arriver à la conclusion qu’il n’existait pas de procédé sans risque. Le motif pour lequel j’ai opté malgré tout en faveur du coussin était que le procédé était réversible, que (le gendarme) pouvait à tout moment retirer le coussin, ce qui n’était pas le cas du scotch tape (sparadrap) et des médicaments".
La juge demande alors au ministre s’il se sent responsable du décès de Semira Adamu.
"Il y a toujours une responsabilité politique. Je ne vois pas de faute personnelle parce qu’on a a mis en balance la sécurité du gendarme et celle du rapatrié et qu’utiliser correctement le coussin était à nos yeux le moyen de prendre un minimum de risques sans devoir recourir aux charters. En clair, si on avait eu les moyens, on aurait préféré au coussin les rapatriements collectifs à bord de vols spéciaux. Je pense - dit encore le ministre - que le fait d’avoir raccourci les délais d’expulsion en 1997 a multiplié les cas difficiles".
G. Dupont
La Dernière Heure - 27 mars 2002
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