La France délocalise ses expulsions

lundi 20 avril 1998.
 

Alors que la résistance aux expulsions se renforce, La France décide d’expulser les maliens via Bruxelles. Avertis par des camarades parisiens, nous intervenons pour la première fois à l’aéroport.
Article du journal Le Soir.

Deux Maliens menottés et escortés embarqués à Zaventem

Frémissements, lundi matin, à Bruxelles-National où les passagers du vol Sabena 519 Bamako - Conakry enregistraient leurs bagages. Des membres du "collectif contre les expulsions d’étrangers" semaient la nouvelle : une quinzaine de Maliens, expulsés par les autorités françaises et en provenance de Paris, seraient du voyage. Encadrés de policiers, peut-être ligotés, voire drogués, chargés comme de la viande humaine, précisait Serge Thiry, membre de cette association de fait.

Alertés par des collègues français, les protestataires voulaient inciter les voyageurs à refuser d’embarquer dans un avion convoyant des personnes sous contrainte. La France l’a promis : il n’y aura plus de "charters" pour renvoyer dans leurs pays les immigrés clandestins. Seulement des convois par ligne régulière. Mais, le 27 mars, les passagers d’un Airbus d’Air France ont empêché l’expulsion de cinq sans-papiers vers le Mali. Depuis lors, leurs départs se font plus discrets, via l’étranger.

A Bruxelles-National, lundi, Issa, en voyage d’affaires, se disait décidé à refuser l’embarquement, mais il finira par embarquer, comme tout le monde : On dit qu’on coopère avec l’Afrique, mais, quand la France "donne" 8 milliards au Mali, on peut être sûr que 6 milliards lui reviennent. Il faut dire aux Africains que leur bonheur ne se trouve pas nécessairement en Europe et démanteler les bandes organisées qui les font venir ici, avec profits.

Arrive un Malien (ils seront deux) enregistré comme "DA" (déporté accompagné). Les poignets menottés derrière le dos, convoyé par deux policiers français en civil et gantés. Il crache, il se montre agressif, explique l’un d’eux. S’il se tient tranquille, nous le libérerons dans l’avion. Une mesure exigée par la sécurité aérienne. Mais l’homme, dont on nous explique qu’il menace, en malien, de faire du grabuge dans l’appareil, effraie cette femme en boubou orange. Je ne veux pas voyager avec lui, il est peut-être dangereux !

Régulièrement, la Sabena, responsable des illégaux qu’elle convoie, assure le retour au pays d’immigrés sans papiers. Et 99 fois sur 100, explique la compagnie, les déportés se calment. Sinon, ils sont embarqués sur un autre vol. Pour Patrick Charlier, directeur de la Ligue belge des droits de l’homme, ces expulsions en groupe sont inquiétantes, mais pas neuves. Avec l’intégration européenne, les pays collaborent de plus en plus.

Michelle Lamensch in Le Soir, 21 avril 1998


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