Début du procès des ex-gendarmes impliqués dans la mort de Sémira Adamu

Lourdes images, légers reproches

Trois temps forts. La projection des faits, filmés par un collègue des prévenus. Les déclarations du médecin légiste. Le réquisitoire du procureur.
jeudi 11 septembre 2003.
 

Salle plus que comble mercredi matin à la 46e chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles. Pour la première audience du procès des trois ex-gendarmes et des deux anciens officiers accusés d’avoir étouffé Sémira Adamu lors de son rapatriement forcé vers le Togo le 22 septembre 1998, tant les associations de lutte contre les expulsions de réfugiés que des membres des forces de l’ordre avaient fait le déplacement.

Trois temps forts ont déjà marqué les débats. Tout d’abord et surtout, la projection, publique pour la première, de la cassette filmée par un gendarme tout au long de cette journée fatidique (voir ci-dessous). Elle retrace les événements depuis le départ de la jeune Nigériane du centre fermé de Steenokkerzeel jusqu’à sa longue immobilisation et sa lente agonie sur le siège de l’avion qui devait la rapatrier. D’insupportables images qui ont plongé la salle dans un silence pesant.

Le cameraman, interrogé à titre de témoin - les poursuites à son encontre se sont clôturées par un non-lieu - a avoué n’avoir filmé que 80 % de la scène entière. Parce que je n’avais pas le temps ou la possibilité de tout filmer. Ce que lui a lourdement reproché le procureur du Roi Hedwig Steppé. Et qui laisse un avocat des parties civiles, Me Diependaele, dubitatif.
Les images ne montrent en effet pas le moment où la jeune Nigériane se rebelle dans l’avion, circonstance qui a donné lieu à l’application de la « technique du coussin ». Manque aussi sur la bande l’instant où les gendarmes prennent conscience de l’état comateux dans lequel se trouve la jeune fille. Deux moments cruciaux, n’a cessé de répéter le procureur.

Le Dr Sépulchre, médecin légiste, a confirmé que la cause du décès était un coma anoxique (par manque d’oxygène). Il y a eu un très important œdème cérébral. Qui a poussé sur les structures commandant le cœur et les voies respiratoires. D’où un arrêt cardiaque et respiratoire. Les causes de l’asphyxie sont multiples, analyse le médecin. Il y a d’abord la position dans laquelle la jeune femme a été placée. Penchée vers l’avant, sur le ventre. Elle portait en plus la ceinture de sécurité et avait les poignets liés dans le dos. Il faut savoir qu’en médecine légale, on a recensé des cas de personnes mortes uniquement parce qu’elles étaient sur le ventre et les poignets liés. Dans cette position, on ne peut pas bien respirer.

La position de l’accoudoir pourrait aussi avoir joué. Selon les uns, il était abaissé, selon d’autres, relevé. Les débats devraient éclairer ce point contesté. Et puis, il y a évidemment eu la pression exercée sur son dos et le coussin appliqué sur son visage, poursuit le médecin. Et n’oublions pas non plus le stress aigu qu’elle devait éprouver.
Le médecin a encore souligné que d’un point de vue médico-légal, la méthode du coussin en elle-même est très dangereuse. Elle était pourtant enseignée systématiquement aux gendarmes.

Le procureur du Roi Hedwig Steppé a ensuite requis des peines qui semblent relativement douces compte tenu des faits reprochés : une peine avec sursis pour l’un des ex-gendarmes, déjà poursuivi pour des faits similaires antérieurs, et des suspensions de prononcé pour les deux autres. Pour les gradés - un capitaine et un adjudant qui étaient dans l’avion pour superviser l’opération -, le magistrat propose l’acquittement pour la prévention de non-assistance à personne en danger. Et laisse au juge le soin d’apprécier un éventuel défaut de prévoyance ou de précaution dans leur chef.

Les peines requises ne sont pas assez sévères, estime Me Hein Diependaele. C’est curieux parce que le contenu du réquisitoire était très sévère à l’encontre des prévenus. Le procureur a notamment relevé des mensonges dans leurs déclarations. Nous allons demander des peines plus fermes, notamment que la responsabilité pénale soit retenue dans le chef des cinq hommes. Et que tout le monde ait aussi une peine avec sursis.·

Fabienne Defrance - Le Soir, 11 septembre 2003


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