Les trois anciens gendarmes qui ont maintenu Semira Adamu alors qu’elle étouffait, lors de sa tentative de rapatriement dans un avion Sabena le 22 septembre 1998, ont souligné ce matin devant le tribunal correctionnel de Bruxelles leur manque de formation dans la "technique du coussin", l’un d’eux faisant même allusion à une "pression de la hiérarchie" pour faire aboutir un fois pour toute l’expulsion de la jeune Nigériane. Premier prévenu à être interrogé par le président du tribunal, Danny Cr. a tenu le fameux coussin pour empêcher Semira Adamu de crier et ainsi avertir les autres passagers. "J’ai maintenu le coussin sur sa bouche, en exerçant une pression non constante. Il est possible que le gant ait glissé légèrement sur son nez, mais il n’y avait pas de pression sur le nez et à tout moment elle pouvait respirer", a indiqué l’homme, qui a précisé n’avoir jamais rien constaté d’anormal dans l’état de la jeune femme. Et quand il l’a entendue s’étouffer, il a interprété cela comme des sanglots. Le moment où Semira a perdu ses selles, assimilé par le médecin légiste à son entrée dans le coma, est survenu "quelques minutes à peine" après l’immobilisation, selon les (désormais) policiers. Tous ont interprété ce fait comme une nouvelle preuve de rébellion de la jeune femme. Ce n’est que lorsque Danny Cl., arrivé plus tard pour tenir la main de Semira, a vérifié si les mains de la jeune femme remuaient encore, que les gendarmes ont été alertés, trop tard cependant. Le président du tribunal a également tenté d’éclaircir le moment, absent de la vidéo projetée mercredi matin, où la jeune femme se serait rebellée. Les trois ex-gendarmes ont dit l’avoir vue tenter de se libérer de ses liens dans son dos, chanter de plus en plus fort et parler (crier selon certains), dès le moment où les premiers passagers sont entrés dans l’avion.
Danny Cr., Johnny P. et Danny Cl. ont tous trois souligné l’absence de formation à la "technique du coussin", dont ils n’avaient connaissance que par des directives écrites ou par une faible expérience. "La formation, c’était accompagner une équipe de rapatriement et observer l’utilisation de la ’technique du coussin’ afin de l’appliquer soi-même par la suite", a expliqué Danny Cr., rejoint par ses deux collègues. Ils ont également indiqué n’avoir appris que peu de temps avant le rapatriement (la veille pour l’un, le matin même pour l’autre) l’éventuelle difficulté du cas qu’ils auraient à gérer. Depuis plusieurs mois, après cinq tentatives de rapatriement qui avaient échoué, Semira Adamu était devenue une figure de proue des mouvements d’opposition aux expulsions forcées, notamment le "Collectif contre les expulsions". Danny Cr. aurait, selon ses dires, ressenti ce matin-là une certaine pression de la part de ses supérieurs afin que l’expulsion de Semira Adamu soit la bonne. Si Danny Cr. et Danny Cl. ont fait preuve de beaucoup de sang froid tout au long de l’audience, Johnny P., pour qui le ministère public n’a pas requis la suspension du prononcé comme peine subsidiaire en raison d’une sanction disciplinaire antérieure, n’a pu s’empêcher de pleurer en évoquant les difficultés - notamment un long congé maladie et des réaffectations - auxquelles les trois gendarmes ont été confrontés après le drame. L’audience s’est poursuivie par les auditions de Marc V. et de Karl W., les deux officiers chargés de l’encadrement de l’opération.
Belga - 11/09/2003
Date | Nom et site Web | Message |