" Johnny donnait de l’argent aux expulsés pour qu’ils s’achètent à manger "

mercredi 30 septembre 1998.
 

Plus un jour ne se passe sans qu’une allusion soit faite au gendarme récidiviste mêlé au rapatriement tragique de Semira Adamu. Ce gendarme, voué aux gémonies, a effectivement porté des coups l’an dernier à Omar, un rapatrié marocain. II a, pour cela, été sanctionné durant un mois, en janvier dernier par le commandement de la gendarmerie. L’homme, qui vit à Zonhoven, dans le Limbourg, en avait été affecté et avait souvent abordé le sujet avec ses amis. Notamment dans le club de snooker qu’il fréquente assidûment.

Je connais Johnny depuis vingt ans, dit le patron. Avant d ’être gendarme a Zaventem, il a travaillé plusieurs années à l’usine Ford de Genk. C’est vraiment un chic type qui n’a rien à voir avec un fasciste, comme certains le présentent. Il faut savoir que, lors d’opérations de rapatriement,lesgendarmes reçoivent un budget pour leurs frais. Souvent, à l’arrivée dans le pays de destination, Johnny donnait un peu d’argent au réfugié expulsé pour qu’il s’achète à manger.

Dorénavant, poursuit-il, tout a changé. Mercredi passé, il m’a téléphoné, désespéré. La veille, tout d’abord, il avait participé à la tentative d’expulsion de Semira et, ensuite, son beau-frère, âgé de 44 ans, était décédé d ’un cancer. Depuis lors, il est en congé de maladie et ne bouge presque plus de chez lui. Choqués, eux aussi, sa fille de 13 ans et son fils de 15 ans ne sont pas retournés à l’école depuis les faits.

En poste à Zaventem depuis une quinzaine d’années, Johnny va, selon son ami, demander une autre affectation. Les rapatriements au détachement de sécurité se font à tour dé rôle, mais il ne veut plus jamais y participer. Outre sa famille, il lui reste désormais sa passion pour le football, Son fils joue au Melo de Zonhoven et l’un de ses bons copains à Genk, où nous allons souvent le voir. Son nom : Ngoy Nsumbu, un joueur réputé... E t on dira encore que Johnny est raciste !

L’enquête sur le décès de Semira se poursuit et tente de cerner le rôle précis joué par Johnny. La jeune Nigériane était entourée des deux gendarmes. La vidéo montre clairement que le collègue de Johnny écrase la tête de Semira sur le coussin posé sur ses genoux. A ce moment, le limbourgeois tient les mains menottées de la jeune femme. Mais il apparaît que Johnny se trouvait dans un état fébrile au moment des faits. Il avait notamment les mains très moites, selon l’enquête. Au moment où Semira a perdu connaissance, Johnny avait déjà été remplacé par un autre collègue. Celui qui avait été entendu par la juge Callewaert, sans être inculpe. Les enquêteurs n’excluent pas de le réentendre prochainement. Il pourrait être inculpé à son tour, comme coauteur des faits.

Entre-temps, le détachement de sécurité de l’aéroport a été renforcé par l’apport de neuf gendarmes. Le commandant de la gendarmerie, Herman Fransen, avait reçu jeudi dernier de nombreuses plaintes faisant état d’un accroissement considérable des tâches. A ces neuf gendarmes s’ajoute un détachement de 20 hommes de la réserve générale de la gendarmerie, envoyé en renfort à Zaventem voici quelques mois déjà. Ces mesures sont provisoires mais pourront, si nécessaire, être prolongées. Une décision qui peut surprendre au moment où les rapatriements forcés sont temporairement suspendus.
Frédéric Delepierre
Le soir - 30 septembre 1998


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