Alors que l’émotion était toujours bien présente hier, on a appris qu’un des deux gendarmes inculpés de coups et blessures volontaires ayant entraînés la mort sans intention de la donner de Semira Adamu avait déjà été sanctionné disciplinairement pour coups par le passé.
« En janvier 1997, ce gendarme a été surpris par des collègues alors qu’il frappait un candidat réfugié dans une cellule. Ses collègues ont avisé le parquet qui a ouvert une enquête judiciaire. Le dossier a été classé sans suite par le parquet. Mais l’enquête disciplinaire a abouti à une peine d’un mois de suspension de service début 98 », explique EIs Cleemput, la porte-parole de la gendarmerie.
Lorsqu’il a réintégré sa brigade, le gendarme a été écarté du service d’escorte des expulsés pendant deux mois. « On l’a d’abord testé pour vérifier s’il avait compris la leçon avant de lui permettre de rejoindre le service des rapatriements. Mardi, il participait à sa deuxième opération d’escorte. En raison du risque lié à cet antécédent disciplinaire, ce gendarme était sous la surveillance directe de son chef pendant toute l’opération, en plus de celle de la Caméra vidéo. Ce n’est pas ce gendarme qui a maintenu le coussin sur le visage de Semira Adamu », à précisé Mme Cleemput.
Etait-il opportun d’affecter un gendarme ayant déjà eu des problèmes de violence à l’expulsion d’une jeune femme qui s’était déjà rebellée cinq fois. « Il n’est pas toujours possible d’écarter les gendarmes qui ont des antécédents disciplinaires des escortes vu les effectifs dont nous disposons », se défend le colonel Bruno Franckx, le chef de brigade de l’aéroport. Le commissariat aux réfugiés avait demandé expressément que Semira soit escortée par des gendarmes expérimentés. Ce qui est le cas des deux gendarmes inculpés, âgé de 39 et 40 ans.
300 rapatriements sous la contrainte
La division chargée du contrôle des frontières se compose de 130 gendarmes, dont 20 à 30 francophones détachés en territoire flamand. Sur quelques 4.000-4.500 rapatriements par an, seulement 300 environ se font sous la contrainte.
« On essaye toujours d’abord la persuasion. Dans la majorité des cas, ils montent librement dans l’avion. Nous les accompagnons simplement et nous veillons à ce qu’ils restent à l’intérieur jusqu’à la fermeture des portes. Si vraiment ils ne veulent pas embarquer, nous sommes obligés de les menotter et d’utiliser la contrainte. On n’a utilisé le coussin que 12 fois cette année, uniquement pour les gens très violents, selon les directives du ministère. Pour nous aussi c’est très choquant », explique le colonel Franckx. ’
Seuls des gendarmes volontaires sont affectés à ces missions particulièrement pénibles et difficiles. « Nous avons un pool de 60-70 volontaires. Seul les gendarmes qui travaillent à l’aéroport depuis plusieurs mois peuvent se porter volontaires. Ils sont triés sur le volet et surveillés de très près pour éviter les violences », affirme le colonel.
Ce dernier admet que sa brigade fait l’objet d’un peu plus de plaintes que les autres en raison de l’usage de la contrainte lors des expulsions, mais le nombre de plaintes justifiées n’est cependant pas plus élevé. « Pendant les deux dernières années où je me suis occupée des dossiers disciplinaires concernant les gendarmes, je n’ai pas constaté plus de plaintes concernant l’unité de l’aéroport », confirme Mme Dieudonné, du parquet de Bruxelles.
Quant aux résultats de l’autopsie de Semira Adamu, ils ne seront pas connus avant deux mois. En effet, le cerveau de la jeune femme doit être envoyé chez un spécialiste en traumatismes crâniens afin de déterminer si l’hémorragie cérébrale est survenue avant ou après l’agression. Selon les médecins des cliniques universitaires St Luc, Semira souffrait déjà antérieurement d’une affection cérébrale.
E. Mathieu
La Lanterne - 25 septembre 1998
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