23-01-99 : journée européenne d’action contre les centres fermés

samedi 23 janvier 1999.
 

A la mort de Semira, le gouvernement et son ministre de l’Intérieur promettaient des mesures d’humanisation de loi sur les étrangers, de transparence de ses procédures, de souplesse dans les décisions sur les demandes d’asile et de régularisation, de respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine.

Ce chœur de "plus jamais ça" s’est révélé n’être dans les faits que de confortables déclarations d’intention.

En quatre mois, le dispositif sécuritaire a été considérablement durci : renforcement des effectifs de gendarmerie à l’aéroport, maltraitances et tabassages dans les centres fermés, arrestation et incarcération de sans papiers, poursuite des expulsions, "travaux drastiques de sécurité supplémentaire" au centre fermé de Steenokkerzeel (pour 20 millions de francs), répression accrue envers ceux qui s’opposent à cette politique et à ces pratiques...

Aujourd’hui, un mur de fer est élevé autour du centre fermé de Steenokkerzeel, la Commission d’évaluation des expulsions recommande l’affrète d’avions privés pour ceux qui s’opposent à leur déportation. Incitation à la lâcheté tranquille : "ce que nous ne pouvons faire humainement, nous ne le ferons plus devant vous", la terreur s’opérera en huis-clos, invisible donc inexistante.

L’humiliation et la violence des centres fermés, des expulsions, de la clandestinité forcée, commises sous nos yeux ou non, au bord de nos villes ou au fond de nos jardins, nous empêcheront de vivre innocemment, impunément, si nous ne saisissons pas toute occasion d’agir pour protéger ceux qui sont menacés, toute occasion pour résister.

C’est dans ce sens que le Collectif contre les expulsions agit, en révolte contre une loi qui porte atteinte à la dignité humaine. On nous accuse de violence : nous sommes surveillés, mis sur écoute, perquisitionnés, arrêtés avant même d’arriver sur le lieu prévu pour une manifestation, inculpés de "destruction de matériel", de "rébellion armée" (!), nous faisons l’objet d’un courrier où le ministre de la justice enjoint au Procureur Général de Liège, Mme Thily, d’agir envers certains "activistes" du Collectif (la magistrature ne serait-elle plus indépendante ?), accusés d’avoir provoqué la mort de Semira...

Cette violence qu’on nous impute, c’est celle que le ministère de l’intérieur, l’Office des étrangers et leurs exécutants - gendarmes, fonctionnaires, gardiens des centres fermés...- avec la complicité de la Sabena, font subir quotidiennement aux personnes qu’elles traquent, enferment, expulsent et à ceux qui luttent à leurs côtés pour le respect de leurs droits.

Cette violence, nous la récusons et ne l’avons jamais utilisée.

Nous avons choisi de ne pas être du camp de la force et du mépris. Nous avons choisi d’être du côté de la puissance, de la solidarité comme acte fondamental de liberté et de dignité.

Ceux qui disent que nos actions provoquent la révolte des détenus et des expulsés et qui nous en imputent les conséquences font preuve envers eux du plus parfait mépris. Peut-être même s’étonnent-ils sincèrement : ces victimes terrorisées, ces numéros de sûreté publique, ces "ordre de quitter le territoire" sont donc des êtres agissant et pensant, capables, aussi, de se révolter contre l’inacceptable !

Nous n’avons rien provoqué. Nous avons simplement établi une relation humaine, sans dolorisme, ni pitié, une relation égalitaire.

En cela, nous sommes "illégaux", oui. Parce que quand la loi tue Semira sous un coussin, tue le bébé que porte Blandine sous les coups de gendarmes, enferme Hiéna -60 ans- pendant six mois avant qu’épuisée, elle ne se résigne et monte dans l’avion, tabasse Frank qui refuse sa déportation, refuse à Charlotte violée par les militaires de son pays le droit d’asile, donne à des enfants les barbelés comme première image du monde, permet à des enseignants au chômage de croire qu’ils font un boulot normal en étant gardiens de camps de détention pour étrangers, construit une société sur l’exclusion et la mise sous silence des plus faibles au nom du "bien public", cette loi est ignoble.

Oui, nous lui désobéissons. Mais nous n’utilisons pas ses moyens : ils nous dégoûtent.

"Les solutions totalitaires peuvent fort bien survivre à la chute des régimes totalitaires sous la forme de tentations fortes qui surgiront chaque fois qu’il semblera impossible de soulager la misère politique, sociale et économique d’une manière qui soit digne de l’hommé" (Hannah Arendt).

Nous nous opposons fermement à la construction de l’Europe forteresse
Nous exigeons la fermeture immédiate des camps de détention pour étrangers
Nous exigeons l’arrêt des expulsions
Nous exigeons la régularisation immédiate de tous les sans papiers
Nous exigeons l’abrogation des lois racistes

Quelques actions qui ont eu lieu le 23-O1-99 :

A Paris, 300 personnes ont envahit l’hôtel IBIS de l’aéroport de Roissy. Cet hôtel est utilisé par le ministère de l’intérieur comme zone d’attente pour étrangers en transit...
A Lille, manifestation à l’aéroport et la route vers le centre fermé murée...
A Reims, manif devant l’hôtel de police qui sert aussi de centre fermé.
A Lyon, manifestation à l’aéroport... A Nantes, action contre Air France... A Milan, c’est 25.000 personnes qui manifestaient pour la fermeture des centres fermés...
A Vilvorde, la maison du premier ministre fût entourée de barbelés et un mur "de la résistance" érigé contre les centres et l’Europe Forteresse...


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