Interview de Ruben Vandevijvere, du Comité contre les expulsions (Louvain)

novembre 1998.
 

Ruben  : Les activités du Comité Contre Les Expulsions ont commencé en 1993. Nous étions surpris du peu de réactions aux lois TOBBACK. Au même moment, il y avait des protestations de masse à propos des réfugiés autour du Parlement allemand. Nous pensions que le mouvement allemand pouvait devenir un modèle pour la Belgique. Notre comité défend principalement la régularisation des Sans-Papiers. Nous soutenons les familles et les individus, aussi bien sur le plan juridique que sur le plan matériel. Différents Comités de base ont été mis sur pied dans la région de Louvain, avec des voisins et amis des réfugiés concernés. Grâce a cette mobilisation, un certain nombre des familles ont pu obtenir des papiers.

Depuis 1995 nous agissons aussi sur le plan national. Nous avons participé très activement à la plate-forme large contre les lois Vande Lanotte. Nous avons organisé une journée nationale autour de Steenokkerzeel, afin qu’un tas de gens soient confronté pour la première fois à la réalité d’un centre fermé.

A présent nous collaborons étroitement avec le Collectif Contre Les Expulsions de Bruxelles et des groupes à Liège et Gand. Nous agissons régulièrement à l’aéroport pour inciter les passagers à protester contre de possibles expulsions.

Quels sont les revendications du Comité Contre Les Expulsions  ?
Le Comité Contre Les Expulsions demande la régularisation immédiate de toutes les personnes qui séjournent sans papiers en Belgique. Ils ne s’agit en réalité que de quelques dizaines de milliers de personnes, mais personne ne peut donner un chiffre précis. De toute façon, ces gens n’ont actuellement aucun droit et se font exploitera fond par les propriétaires et les patrons. Leur maintien dans l’illégalité constitue uns menace pour la sécurité sociale en favorisant le travail clandestin. II serait bien plus raisonnable de reconnaître ces gens et de les faire accéder à des droits égaux. Et ceci n’est encore qu’un seul argument. On doit aussi développer plus encore le principe d’égalité : il est impossible d’organiser une cohabitation entre trois sortes de gens - des réfugiés privés de tout droit - des immigrés avec des demi-droits - et des belges avec des droits.

Notre deuxième revendication est l’arrêt des expulsions : la mort de Semira montre clairement à quoi mène cette politique. Elle n’est pas la première réfugiée à se faire tuer pendant son expulsion. (...) Les expulsions forcées sont toujours violentes. Personne ne peut garantir qu’il n’y aura plus de victimes. Vande Lanotte l’a reconnu lui-même.

Troisième revendication : La suppression des camps. Cela part du même principe. II y n un grand nombre de personnes qu’on ne peut même pas expulser. Les autorités sont incapables de déterminer leur nationalité exacte, ou bien leur pays d’origine refuse de les prendre en charge. Pour eux, une seule alternative, l’arrestation ou la clandestinité. C’est pourquoi, nous revendiquons aussi l’arrêt de la politique "immigration zéro". L’Europe doit prendre ses responsabilités. Notre propre politique est à la base des causes qui poussent les gens à fuir. Nous pensons qu’il serait sain que les décideurs soient confrontés aux conséquences de leurs propres choix.

Nos adversaires prétendent souvent qu’il faut d’abord augmenter le budget de la coopération au développement pour pouvoir modifier la politique migratoire. Des études montrent qu’en réalité les réfugiés qui viennent dans nos pays envoient une bonne partie de l’argent qu’ils réussissent à gagner par leur travail, dans leur familles au sud de la planète. Le tout constitue une somme supérieure nu budget de la coopération. Cela veut dire que la présence de réfugiés et d’immigrés ici est un leviers pour la coopération au développement là-bas.

Notre point de vue est donc le suivant : il faut rompre avec "l’immigration zéro" et rouvrir les frontières. Certains prétendent que cela ferait le jeu du crime organisé. Mais il va de soi que nous voulons que la police poursuive toutes les formes de criminalités réelles, plutôt que de faire la chasse à des gens qui n’ont commis aucun délit. Nous ne nous opposons pas à l’extradition de criminels et de maffieux, mais nous refusons les expulsions d’innocents. Les migrations ont toujours existé, on ne peut pas les supprimer par décret. Selon la législation actuelle, l’immigration n’existe plus, mais dans la pratique les gens migrent quand même.

D’après toi, que faire maintenant ?
Je pense qu’un fédération des différents Comités et Collectifs permettrait d’avancer. II faudrait même prendre une initiative internationale. Dans la pratique nous coopérons déjà bien avec les autres comités. Les différents groupes ont beaucoup de points communs, mais aussi des différences. Ils sont tous indépendants des partis politiques, ce qui ne les empêche pas de situer le problème dans une perspective plus large. Tous les groupes sont convaincus que la lutte contre les expulsions fait partie du même combat que la lutte contre les licenciements, par exemple. En nous fédérant, nous gagnerons beaucoup en visibilité. En même temps, je pense que chaque comité doit resté autonome et développer sa propre manière de travailler. Avec les nouvelles mesures du gouvernement, il est clair qu’il faudra poursuivre la résistance. Ils veulent nommer un commissaire du gouvernement aux migrations et à la politique des étrangers. A première vue, il ne s’agit en rien d’un progrès. Je ne connais pas encore le contenu et les compétences de cette nouvelle fonction. Mais nous savons déjà que cela ne changera rien aux principes politiques généraux. Ce commissaire travaillera dans le cadre de la politique actuelle.

On voit à l’œuvre une tendance à dégager le ministre de ses responsabilités. C’est une mystification. Ce commissaire pourra peut-être dénoncer quelques cas spécifiques, c’est tout.

Rien n’a changé. Aucune de nos revendications n’a été satisfaite. La logique d’expulsion reste entière. C’est particulièrement choquant après la mort de Semira. Pour nous, il ne s’agit pas de discuter de l’usage du coussin. II s’agit d’une politique qui fait des victimes à nos frontières et dans notre pays, une politique qui implique la violence envers des innocents que l’on enferme dans des camps. Les différents Comités et Collectifs doivent combattre cette politique de la façon la plus unitaire possible.


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