par Nisse
Le droit d’asile en Belgique est une situation concrète, Les acteurs sont les réfugiés et les responsables politiques Entre les deux se trouvent les forces de l’ordre et l’appareil administratif. Leurs dysfonctionnements (intimidation, racisme, torture, exclusion, déportation...) ont été relevés après l’assassinat d’une jeune fille. Contraint par cette "bavure", le gouvernement a dû réévaluer sa politique d’asile. Le texte qui suit se veut être un modeste commentaire sur la note ministérielle du 3 octobre 1998.
L’introduction :
"Le gouvernement entend poursuivre une politique d’asile responsable. " Poursuivre une politique qui maintient des personnes dans des camps, qui planifie des déportations massives et qui assassine !
1. Les lignes de force de la politique :
Les centres fermés et les expulsions ne sont nullement mis en cause. Pourtant des milliers de citoyens exigent leur suppression.
2. L’augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile :
Ce paragraphe est une justification des réflexes sécuritaires dans son entièreté et serait digne de figurer dans un programme d’un parti fasciste. Mais nulle part, on n’explique pourquoi le nombre de réfugiés augmente et que les gouvernements européens ont une part de responsabilité accablante dans les situations désastreuses qui obligent des centaines de milliers de personnes à devenir des réfugiés dans les pays dits du tiers monde.
3. Evaluation au bénit :
"Le décès dramatique de Semira ADAMU a encore accentué l’urgence d’une humanisation de la loi, dans le sens souhaité par le Sénat." Ce qui est dramatique, c’est l’hypocrisie qui transparaît dans cette phrase. Un assassinat exigerait la suppression pure et simple de la loi qui l’a permis. Mais le nouveau Ministre de l’Intérieur insinue dans une réponse à une question parlementaire d’un membre du Vlaams Blok que Semira n’était en fin de compte rien qu’une pute toxicomane...
3.1. L’accès au territoire :
Les demandes d’obtention d’un visa devront être traitées plus rapidement. En Allemagne, la première demande est traitée endéans trois jours. II va de soi que plus les délais sont brefs, moins il y a de chances de traiter sincèrement une demande. Donc le nombre de refus augmente et plus de personnes, qui ont de sérieux problèmes dans leur pays de départ, y seront renvoyés.
De plus, une augmentation du personnel et des moyens des administrations sont prévues. On huile une machine qui broie, au lieu d’y mettre du sable.
En ce qui concerne un passage de la note sur le protocole d’accord avec la SABENA, on y soupçonne que les Africains sont d’affreux marchands d’ esclaves. On peut alors sérieusement s’interroger sur la conscience historique des responsables politiques dans ce pays.
Dans la continuation de cette attitude mentale malsaine, des gendarmes seront envoyés dans des aéroports : "certains lieux d’embarquement à problème" "systématiquement" ! Vive la colonisation post-moderne ! Et vive le racisme institutionnalisé !
Le Centre Pour l’ Egalité des Chances et la Lutte Contre le Racisme aura accès aux bâtiments de la gendarmerie de l’aéroport de Zaventem. Pourquoi uniquement eux ?
3.2. La procédure d’ asile :
"Ces dernières années, la qualité du travail nu niveau de l’Office des étrangers (...) s’est améliorée. " Oui, effectivement. Des centaines de personnes ont été déportées de façon excessivement brutale. Le Collectif Contre les Expulsions le sait, la Ligue des Droits de l’Homme l’exclame et certains membres du personnel de la SABENA en témoignent.
Ensuite est annoncé que " l’interrogatoire " des demandeurs d’asile sera effectué par du personnel qualifié, " pour autant que possible ". Ce personnel recevra-t-il une formation d’Amnesty International ou de la BSR ? " Pour autant que possible " ? II faut donc repréciser, qu’il ne s’agit pas de cas, mais de personnes humaines dont l’intégrité physique est la plupart du temps très sérieusement menacée.
Des fiches sur différents pays seront réalisées par le Ministère des Affaires étrangères. Notera-t-on dans ces fiches combien d’armes la Belgique n vendues aux dictatures qui y ont le pouvoir ? L’Office des étrangers recevra donc des moyens supplémentaires. Le Directeur de l’Office s’appelle Stéphane Schewebach. Les citations suivantes émanaient de lui en 1995 : "Le visa est une faveur, pas un droit. " "Si je veux des rapatriements, je donne des ordres et dans dix minutes, je les ai. On a notre propre escorte qui met les gens à la disposition de l’Office. Je peux les mettre dans mon bureau en attendant de les mettre dans l’avion. " "Si un demandeur d’asile est sourd-muet ou handicapé, il le restera de toute façon. (...) Mais pour le sida ou le cancer on ne sait pas toujours quoi faire. Si on ne peut quand même pas guérir la personne, pourquoi la garder ? "
3. 3. L’organisation du séjour :
Ici, on parle des centres d’accueil. Joli nom, si on sait que le Petit Château est orné de barbelés.
Puis on apprend que les demandeurs d’asile déclarés recevables seront désormais accompagnés au CPAS. Les autres n’ont qu’à crever dans la clandestinité ou alors ils seront de toute manière parqués dans les camps.
3.4. La politique â l’égard des étrangers en séjour illégal dans notre pays :
Chacun, par contre, aura droit à l’aide médicale urgente. C’est bien. On reconnaît que ces gens ont un corps. Mais ont-ils une âme Après on explique dans des termes plus que vagues que " pour des situations humanitaires prégnantes ", pour des "situations particulières " un " sursis d’éloignement " ou un statut particulier peuvent être octroyés. Une fois de plus l’arbitraire est maintenu.
L’article 77, qui criminalise la solidarité avec les personnes en séjour illégal, n’est pas mis en cause.
3.5. La politique cl éloignement :
" Tout sera mis en oeuvre pour encourager le départ volontaire. " Les menaces ? Le lavage cérébral ? Le chantage ?
Les conditions de détention sont légèrement changées. " Une détention de cinq mois maximum, éventuellement augmentée de trois mois maximum peut être maintenue si le demandeur d’asile constitue un danger pour l’ordre public. "
" Lorsque l’éloignement n’a pu avoir lieu du seul fait de la rebellion de l’intéressé, un nouveau délai de détention peut débuter. " On continue ainsi à voir les demandeurs d’asile comme des criminels potentiellement violents. Par contre, même si la violence continuelle, raciste et gratuite devrait être théoriquement contrôlée, humanisée et évaluée par une commission plus que douteuse ; elle est de fait remplacée par des durées de détention plus longues, renouvelables à volonté, qui ne serviront qu’à mutiler le demandeur d’asile psychologiquement. On supprime un coussin, indignation publique oblige, mais on continue à cautionner toutes les autres formes de violence et, de plus, on en invente des nouvelles.
Un certain nombre de représentants de la société civile auront un droit de visite pour les centres fermés. Mais toujours pas les membres de la famille, premiers intéressés.
Le " Comité CPT du Conseil de l’Europe (...) a jugé que les conditions de détention dans les centres fermés étaient généralement bonnes ". Selon nos expériences, ceci n’est pas du tout l’avis des exdétenus.
" Ce n’est que dans un petit nombre de situations qu’il faut prévoir une escorte " pour procéder à la déportation. Toujours selon les témoignages que nous avons récoltés, il apparait que ceci est tout simplement un mensonge. Y figure entre autres un témoignage d’un pilote expliquant qu’en 1998 il y aurait eu sept morts lors d’expulsions à Zaventem !
En ce qui concerne la gendarmerie homicidaire de Zaventem, nombre de mesures ont été prises. Le détachement " sera modernisé et renforcé ".L’effectif sera augmenté. Les locaux seront agrandis et " adaptés ". Le budget sera haussé. C’est bien. Des primes pour les meurtriers.
3.6. La politique de régularisation :
Un nombre de critères de régularisation ont été élaborés par le Sénat. Ceci constitue un premier pas. Mais néanmoins, aussi en matière de politique de régularisation, beaucoup de critiques s’imposent. Un titre de séjour sera octroyé aux " personnes déplacées originaires de Bosnie ". Qu’en est-il des autres pays ou la guerre continue à régner ?
Une commission parmi d’autres sera mise sur pied pour émettre un avis sur la régularisation au cas par cas. Cet avis n’aura cependant aucun poids juridique.
Finalement un nombre très restreint d’illégaux rentrera dans les critères de régularisation. Tous les autres resteront expulsables.
3.7. Groupes -cibles spécifiques :
Pour les mineurs d’âge, une phrase est à relever : " (...) la possibilité d’un séjour de ces mineurs sera en tout cas soumise (...) à une durée la plus courte possible. "
Une attention particulière est donnée aux femmes qui fuient des persécutions sexuelles. Citons ici Marc Van Peel, président du CVP : " D’une part, certaines demandeuses d’asile ont déja obtenu le droit d’asile
(...) d’autre part , il est impossible que la Belgique soit le seul pays qui, par exemple, donne le statut de réfugié à toutes les femmes qui se trouvent dans les situations de mariage forcé. Imaginez les conséquences. " (in Le Matin, jeudi 1 octobre ) La Belgique le seul pays qui ? Toutes les femmes qui se trouvent dans les situations de mariage forcé ? Imaginez les conséquences !
3.8. L’Office des étrangers :
Le Sénat attend de l’Office un traitement plus rapide des dossiers. Que ceci constitue un danger majeur a déjà été expliqué plus haut. Un commissaire spécial placé sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur sera chargé de contrôler la besogne de l’Office. Le Collectif Contre les Expulsions propose que ce poste revienne à un camarade sans-papiers.
Conclusion
Rien n’a donc réellement changé dans les faits, à part que les détenus sans-papiers et le Collectif se voient devoir affronter une répression de plus en plus dure. Tout le monde est concerné par cette nouvelle hypocrisie gouvernementale. Tout le monde est invité à oeuvrer pour un changement radical en matière de politique d’immigration. Dans un pays ou l’on admet des lois inhumaines, personne n’est libre. La lutte continue !
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