Edito

L’etat belge ne sera pas moins violent en 1999

mercredi 13 janvier 1999.
 

Certains y ont crû ! Le gouvernement s’est appliqué depuis plusieurs mois à le faire croire et on a pu constater qu’il a sorti la grosse artillerie de désinformation pour atteindre cet objectif. Je ne citerai que la plus habile manipulation de ce processus qui s’est produite quelques heures à peine après le meurtre de Semira Adamu. Le 25 septembre, les téléspectateurs de Belgique et d’ailleurs ont pu voir dans leur petite lucarne des hommes, femmes et enfants sortir du centre 127bis de Steenokkerzeel sous les applaudissements des manifestants présents devant le centre. En parallèle, la suspension des expulsions est annoncée publiquement. Ces informations et ces images diffusées pendant une période d’intense "émotion-médiatisation" ont marqué les consciences. A tel point qu’aujourd’hui, lors de nos conversations avec les passagers dans l’aéroport de Zaventem, on se rend compte que la majorité d’entre-eux croient qu’il n’y a plus d’expulsions et que les centres fermés sont vides. Mais bien entendu, la volonté a toujours été de maintenir la politique dure et cela à tout prix. Ainsi, en ce moment même, l’oppression et la violence s’abattent sur des êtres humains enfermés avec l’unique motif de ne pas être né sur cette parcelle de terre appelée "Europe".

Une notion traverse toute la politique gouvernementale en matière de réfugiés : l’isolement.

Sa concrétisation la plus visible est bien entendu l’existence des centres fermés, le meilleur moyen pour que les personnes détenues ne puissent nouer de contacts en Belgique. La solidarité qui pourrait se manifester de la part de la population est ainsi tuée avant d’exister ! Si un groupe de personnes se structure dans un centre afin de résister aux expulsions, il est cassé par tous les moyens. Outre la violence, physique et morale, les différents individus sont disséminés, isolés du reste du groupe et envoyés dans d’autres centres fermés ou dans les prisons du pays. Pour ceux qu’ils considèrent comme les leaders, le sort réservé est généralement la cellule d’isolement pendant plusieurs jours. La dernière mesure gouvernementale s’oriente également vers cette logique d’isolement : effectuer les expulsions dites difficiles à bord de petits avions privés uniquement consacrés à cette tâche. Plus de témoins, plus d’interventions de passagers indignés et donc, silence total sur les violences, physiques et morales. Une autre concrétisation de cette logique s’abat sur la population belge. Lorsqu’un groupe s’organise en vue d’aider ces personnes en difficulté, tous les moyens sont envisageables pour isoler celui-ci du reste de la population, pour éviter qu’un mouvement large de contestation ne se mette en place. Avec la loi de M.Vande Lanotte, "’aide aux illégaux" est un délit punissable (Art.77). Sur base de cet article de loi, un parlementaire Vlaams Blok portait plainte en 1998 contre un prêtre Gantois qui hébergeait des réfugiés dans son église. Dans notre pays, un parti socialiste en vient donc à créer des outils permettant à l’extrêmedroite d’appliquer son programme. Concernant la résistance à ces lois et sur demande de M.Van den Bossche, le Collectif contre les expulsions est aujourd’hui sous haute surveillance’. Pour une part de la population, s’il y a une telle surveillance, c’est que ça doit être justifié, donc "il faut s’en méfier !". Mais de quoi ont-ils donc peur et qu’ont-ils à cacher, pourrait-on se demander. Nous le savons aujourd’hui ! Récemment, une jeune femme qui refusait d’être envoyée dans l’enfer de la guerre civile en Sierra Leone a été frappée et a subit également une autre torture, morale cette fois : les gendarmes l’ont conditionnée à accepter l’expulsion, "tu pars ou tu meurs ici !" Un tel récit n’est, malheureusement, que la minuscule partie émergée de la politique gouvernementale : pour un cas dont on a connaissance, combien resteront à jamais inconnus ? C’est aussi ça la réalité de la Belgique !

Parallèlement, le mouvement des sans-papiers est occupé à se structurer et à s’élargir. En toute autonomie et avec le soutien des associations et de la population, ces derniers comptent bien poser leurs problèmes et leurs revendications de manière déterminée et le plus vite possible. L’objectif du monde politique d’étouffer le débat concernant la régularisation des sans-papiers avant les élections de juin 1999 risque donc de ne pas être atteint. Les mouvements contre les centres fermés et les expulsions ainsi que ceux pour la régularisation ne font donc que commencer car quoiqu’il arrive, nous n’arrêterons pas de mettre en œuvre tous nos moyens pour amener à la surface ce que le gouvernement et plus largement les autorités européennes veulent enfouir.

Gérald

De Morgen, mercredi 13 janvier 1999


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