Sarah Williams a passé trois mois dans les centres fermés pour demandeurs d’asile de Melsbroek et Steenokkerzeel. Elle a été relâchée le 28 août. Elle est de ces "inexpulsables" dont on ne peut se débarrasser par la force et qu’on remet "en liberté" : sans régularisation de leur statut, sans ressources, sans accès à l’aide sociale, sans possibilité légale de travailler... et avec un ordre de quitter le territoire endéans les cinq jours. Sarah a vécu les conditions d’internement au 127 bis, avant et après les évasions du 21 juillet. Elle raconte dans les détails, lucide et sans haine. Parfois, elle rit, comme étonnée que ça se passe ici.
Je m’appelle Sarah Williams, je suis Sierra Léonaise. A cause de la guerre en Sierra Leone, j’ai eu des problèmes. Mon fils, qui a dix-huit ans, a rejoint les forces rebelles. Ma ville est entièrement contrôlée par les rebelles. Mais les forces de l’Ecomog ont repris la ville aux rebelles, ils les ont massacrés et les rebelles ont fui et se sont cachés. Quand les Ecomog ne trouvent pas les rebelles, ils vont les chercher dans leur famille et si les familles ne disent pas où ils sont, ce sont elles qui paient.
Ils sont venus chez moi pour chercher mon fils. Ils m’ont arrêtée, ils m’ont emmenée dans un camp. Ils m’ont frappée, ils ont menacé ma vie, ils m’ont dit que je devais leur livrer mon fils. Ils m’ont relâchée le soir en disant que je devais chercher mon fils et que je ne pouvais pas quitter le pays. Je suis partie quand même, avec l’aide d’un soldat de l’Ecomog qui était un ami. Il m’a emmenée chez quelqu’un qui a organisé ma fuite. Ils m’ont conduite hors du pays et mise sur un avion pour la Belgique. Je ne sais pas d’où j’ai pris l’avion. Ca ne devait pas être en Sierra Leone parce que je n’ai pas vu de drapeau de mon pays.
Je suis arrivée à l’aéroport de Bruxelles le 2 juin et j’y ai demandé l’asile. Je ne suis pas allé directement à l’immigration. Je me suis assise dans la salle de transit et je suis restée là pendant une demi-heure. Puis, je suis allée à la police et je leur ai dit que je voulais demander l’asile. Ils m’ont demandé ma nationalité, ils m’ont demandé mon passeport et j’ai répondu que je n’en avais pas. Ils m’ont dit qu’ils ne croyaient pas que je sois de Sierra Leone et j’ai répondu je viens de là. Ils disaient tous que j’avais jeté mon passeport et j’ai répété que je n’en avais pas, tout simplement. Ils m’ont fouillée très minutieusement : un homme a fouillé mes bagages et une femme m’a fouillée corporellement. Tout ce qu’ils trouvaient sur moi, n’importe quel petit bout de papier, ils le prenaient pour l’examiner. Un d’eux m’a demandé quel était mon problème et j’ai dit que c’était la guerre en Sierra Leone et que j’avais dû fuir. Il a dit d’accord. Il a inscrit quelque chose sur un papier et m’a dit d’aller dans la salle d’attente et que le soir, des gens viendraient me prendre et m’emmener là où j’allais passer la nuit. J’étais arrivée tôt le matin et ils sont venus me chercher vers 17h30. Pendant, tout ce temps, je n’ai eu ni à boire, ni à manger.
Le soir, ils sont venus me chercher à deux. Ils avaient des uniformes qui ressemblent à ceux de la police et ils m’ont emmenée dans un fourgon de type policier, avec des grillages. Ils m’ont emmenée au centre de Melsbroek.
Quand je suis arrivée, j’ai rencontré un employé. Ceux qui m’ont amenée lui ont donné une sorte de rapport que la police avait fait sur moi. L’employé m’a expliqué la vie dans le centre, ce qui allait se passer, comment se déroulait la procédure d’asile. Il m’a dit que j’allais avoir une interview puis qu’on en attendrait les résultats. Si les résultats étaient positifs, je serais emmenée dans un "centre ouvert". S’ils étaient négatifs, je devrais faire appel très vite, puis j’aurais une deuxième interview, cette fois avec un avocat. Si les résultats de la deuxième interview étaient toujours négatifs, je devrais quitter le centre (il ne m’a pas dit pour où). Il m’a expliqué les règles générales de vie dans le centre. Il m’a dit que je serais dans une chambre avec une vingtaine de femmes. Il a aussi fouillé mes bagages et a pris certaines de mes affaires personnelles. Il a pris mes médicaments. Tout ce qui était en bouteille, tout ce qui contenait de l’alcool. Même mon déodorant. J’ai dit que j’avais besoin de toutes ces affaires, mais il a répondu que je ne pouvais pas les prendre dans la chambre, parce qu’il y avait des enfants et que ça pouvait être dangereux pour eux. Je ne crois pas que ce soit la vraie raison. Il y a des réfugiés qui sont très déprimés et qui pourraient vouloir utiliser ces choses pour se détruire ou se faire du mal. Je crois que c’est pour ça qu’ils nous prennent nos affaires. Pour les utiliser, il fallait aller les demander au bureau et les y remettre tout de suite après. Mais au second centre, à Steenokkerzeel, ils vous prennent vos affaires et ils les gardent, vous ne pouvez même pas les utiliser. Ils vous disent qu’on vous les rendra le jour où vous partirez. La seule chose que je n’ai jamais pu utiliser, à Melsbroek, ce sont mes médicaments, des pilules contre le mal de tête et des coupe-faim. Ils m’ont donné leurs propres médicaments.
Après l’entretien avec l’employé, je suis allée souper avec les autres. On m’a donné de quoi faire mon lit et de quoi me laver.
Le lendemain matin, j’ai eu la première interview. Elle a duré plus ou moins un quart d’heure, peut-être moins. Les questions étaient : comment je suis arrivée dans le pays, pourquoi j’ai choisi la Belgique - j’ai répondu que je n’avais pas choisi -, par quel vol j’étais arrivée - j’ai dit que je ne connaissais même pas la couleur de l’avion -, si j’avais de la famille en Belgique, si j’étais déjà venue en Europe auparavant... Deux jours après, j’ai eu le résultat de l’interview. C’était non. Alors j’ai fait un recours, pour avoir une deuxième interview et au centre, ils m’ont donné le nom de mon avocat. En fait, entre-temps, ils ont changé d’avocat sans me le dire et je ne l’ai rencontré que quinze minutes avant l’interview. Cet interrogatoire a été très dur, tellement de questions et dans les très petits détails. L’avocate était assise à côté de moi et la dame qui m’interviewait était très critique : quand je répondais aux questions, elle disait qu’elle ne me croyait pas. Mais elle me demandait des choses incroyables, personne en Sierra Leone n’aurait pu répondre ! J’étais censée connaître tous les détails de la guerre et de la situation politique. Je ne suis pas assez éduquée pour savoir tout ça. L’avocate n’est jamais intervenue. Mais pendant la première interview, celui qui m’interrogeait avait noté des choses que je n’avais pas dites et j’ai demandé à l’avocate de les faire changer. A la fin de la deuxième interview, elle a parlé à celle qui m’avait interrogé et j’ai vu qu’elle notait quelque chose. Comme elles parlaient français, je n’ai pas compris de quoi il s’agissait, et j’ai supposé que c’était des erreurs que j’avais signalées. Mais dans le deuxième rapport, j’ai retrouvé exactement ces mêmes erreurs ! Et le refus est entre autre basé sur ces prétendues contradictions. J’ai dit que les Ecomog étaient venus chez moi pour chercher mon fils et eux, ils ont écrit que c’était les rebelles qui étaient venus le chercher. J’ai reçu le résultat six jours après. C’était encore négatif. Deux heures plus tard, on m’a emmenée au centre de rapatriement de Steenokkerzeel.
Au centre de Melsbroek, on ne pouvait pas sortir. On ne pouvait même pas se déplacer librement à l’intérieur du centre. Au premier étage, il y avait les chambres et en bas, les toilettes et les salles de bain, la salle de "récréation", avec quelques jeux, un billard. Quand on était dans la salle de séjour, on ne pouvait pas aller dans la salle à manger. Tout était très séparé. On pouvait juste se rendre dans le bureau si on avait besoin de quelque chose. Et parfois même, s’ils étaient occupés dans le bureau, ils fermaient la porte à clé et on ne pouvait pas y accéder pour parler aux employés. A l’heure des repas, tout le monde devait aller dans la salle à manger, même si on ne voulait pas manger. Tout le monde devait y aller en même temps. Ils fermaient la porte à clé et personne ne pouvait en sortir avant que tout le monde soit prêt à sortir. Après dîner et après souper, ils ouvraient la porte de la salle de séjour qui donnait sur une cour, où il y avait un espace de volley-ball.
Il y avait des bébés de quelques mois, des enfants de deux ans, de six ans. Tout le monde était mélangé. Dans notre chambre, il y avait des femmes seules et des femmes avec enfants, les pères étaient dans une autre chambre. Mais un peu avant que je parte, il y a eu du changement. Ils ont placé les familles dans la même chambre, pas une par chambre évidemment, toutes les familles ensemble. Les enfants n’avaient pas de traitement spécial par rapport aux adultes. Ils venaient avec nous dans la salle à manger, dans la salle de séjour, il n’y avait pas d’endroit spécial où ils pouvaient jouer. Dans la salle de séjour, il y avait quelques jouets. Dans cette salle, on pouvait fumer. Il y avait énormément de fumée et les bébés étaient là-dedans ! Je suis restée à Melsbroek deux semaines et un jour.
Ils m’ont emmenée à Steenokkerzeel un mercredi à 16h. Nous étions six à être emmenés en même temps, dans un fourgon cellulaire. Là, la sécurité est plus dure qu’à Melsbroek, ils ont des gardes spéciaux pour la sécurité. Dans le centre, il y a une pièce entièrement vitrée, les gardes sont là, ils nous regardent tout le temps. Il y a des caméras à l’extérieur et à l’intérieur. Celles de l’intérieur sont dans les bureaux et dans la salle à manger. A l’extérieur, il y en a tout autour du centre. Si on ouvre la fenêtre de sa chambre et qu’on reste à la fenêtre pour prendre l’air, la caméra se dirige vers vous.
A mon arrivée à Steenokkerzeel, un assistant social est venu me poser des questions : il m’a demandé si je fumais, si j’avais une maladie spéciale, si je mangeais de la viande. On a encore fouillé mes bagages et pris mes affaires de toilette, une femme m’a fouillée corporellement. Puis j’ai été emmenée dans ma chambre. Les pièces sont petites, on est quatre par chambre, avec des lits superposés. Si on ne veut pas dormir au-dessus, on met son matelas à terre.
A Melsbroek, les employés étaient assez amicaux avec certains d’entre nous, mais à Steenokkerzeel, ils ne sont pas du tout amicaux. C’est l’opinion de la majorité des détenus : ils ne sont pas amicaux. La sécurité est très dure, dans tous les détails on se sent prisonniers. Pour aller au bureau ou voir le docteur, on doit passer trois portes qui doivent être ouvertes par les gardes de la sécurité. On ne se déplace qu’avec une escorte. Quand c’est le moment de la récréation, ils ouvrent la porte qui donne sur la cour. Ils ne ferment pas les chambres à clé mais ils peuvent le faire, ils ont les clés, nous pas ! Ils fouillent les chambres régulièrement. Ils nous font sortir, on doit tous aller dans la salle à manger et ils fouillent tout dans les chambres. Par exemple, si dans une toilette le bouton qui sert à actionner la chasse d’eau a disparu, ils fouillent les chambres. Ils disent que quelqu’un a dû le prendre pour tenter de briser une vitre et m’évader. Ils fouillent à n’importe quelle heure. Pas la nuit, sauf s’ils soupçonnent une tentative d’évasion. Ils peuvent aussi entrer à n’importe quel moment dans les chambres, pour n’importe quelle raison. Après l’évasion du 21 juillet, ils ont confisqué les balles de billard, ils disent que certains s’en sont servis pour casser les vitres.
Le centre a deux étages et chaque étage et divisé en deux ailes, en tout, ça fait quatre ailes. On ne peut pas communiquer avec ceux d’une autre aile. Mais on peut les voir : les ailes d’un même étage sont séparées par des vitres. Les sorties dans la cour se font aile par aile, chaque aile a sa salle à manger, tout est séparé. Quand quelqu’un crée des "problèmes", quand ils pensent que cette personne veut s’évader ou tente d’organiser une rébellion, ils la changent d’aile. Ils vous transfèrent aussi quand ils ne réussissent pas à vous expulser. Ils vous emmènent à l’aéroport et si vous vous débattez assez pour qu’on ne vous expulse pas, ils ne vous ramènent pas dans votre aile, pour que vous ne puissiez pas raconter aux autres le moyen de ne pas être expulsé. Après l’évasion, ils ont placé ceux du rez-de-chaussée dans l’aile du premier étage. C’est plus difficile de sauter de là-haut. Les nouveaux arrivés ont été mis en bas. Ceux qui ont vécu l’évasion ne peuvent donc pas communiquer avec les nouveaux. J’ai remarqué aussi que ceux qui sont arrivés après l’évasion sont expulsés très rapidement, on ne peut donc pas leur apprendre comment résister.
Le soir de l’évasion, il était 22h30, je me préparais pour aller au lit. Il y avait des gens dans la salle à manger qui regardaient la T.V.. J’ai entendu du bruit et je suis sortie dans le corridor : il y avait des gens qui couraient et qui criaient que certains essayaient de s’évader. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu des gens qui sautaient de la fenêtre d’une chambre de l’autre aile. Alors des gens de mon aile ont aussi cassé une fenêtre et ont essayé de s’enfuir mais c’était trop tard : les gardes de la sécurité étaient déjà dehors et les attrapaient. De gens criaient "au feu" ! Beaucoup de pompiers sont venus, des policiers aussi et ils ont pris ceux qui avaient essayé de s’évader. Ils les ont emmenés en prison.
Après ça, la sécurité a été très renforcée. On n’a plus pu téléphoner pendant une semaine, on a tous été transféré au premier étage, on était sans cesse surveillé.
Quand quelqu’un refuse de se laisser emmener à l’aéroport, il y a de la violence. J’en ai été témoin. Par exemple, avec une femme âgée, de Russie je crois. Elle doit avoir une soixantaine d’années. Elle ne voulait pas aller à l’aéroport, elle criait, elle pleurait mais ils l’ont portée. Ils s’y sont mis à quatre : un à chaque bras et un pour chaque jambe. Ils l’ont retournée sur le sol, face contre terre. Sa jupe était relevée sur ses sous-vêtements. Ils l’ont portée ainsi dans le fourgon et ils l’ont emmenée à l’aéroport. Elle est revenue, elle ne s’est pas laissée expulser. Il y a une autre vielle dame, du Sri Lanka. Elle est très vieille, avec quelques longs cheveux gris, elle ne peut plus se tenir droite, elle peut à peine marcher tellement elle est vieille. Elle doit être expulsée.
Ils m’ont emmenée à l’ambassade de Sierra Leone mais j’ai refusé de parler aux gens de l’ambassade. Alors, ils n’ont pas obtenu de laissez-passer pour moi, donc ils ne peuvent pas m’expulser. Mais j’ai entendu les récits de ceux qui sont allés à l’aéroport, je sais comment ça se passe. Au centre, ils vous forcent à monter dans le fourgon, mais à l’aéroport, ils ne vous forcent pas à monter dans l’avion. Enfin pas la première fois ! Si vous vous opposez, la première fois, vous avez 90% de chances d’échapper à l’expulsion. La deuxième fois, ils vous forcent, mais il y a encore quelques chances de s’en sortir, si on se débat assez fort. La troisième fois, on n’en revient presque jamais. Rares sont ceux qui arrivent à résister encore. Il faut être très fort, ou avoir l’aide de gens à l’extérieur, qui s’opposent à l’expulsion. La troisième fois, ils vous ligotent et vous mettent dans l’avion. Parfois, il y a même une escorte pour le voyage. Ils vous plaquent un coussin sur le visage pour vous empêcher de crier.
Ils expulsent aussi les familles avec enfants, oui. Quelques jours avant que je ne quitte le centre, il y avait une femme albanaise qui avait passé presque six mois dans le centre. Elle avait deux enfants : un de moins de trois ans et l’autre d’environ quatre ans. Une semaine avant que les six mois ne soient expirés, ils les ont emmenés à l’aéroport et ils ne sont pas revenus.
Il y a aussi une famille du Kosovo avec trois enfants : un de six mois, un de deux ans et l’autre de trois ans. Ils les ont envoyés à l’aéroport. Ils en sont revenus et ont commencé une grève de la faim. Ils ne descendaient plus dans la salle à manger. Je crois qu’ils donnaient de la bouillie aux enfants, mais pas de vrais repas, les parents prenaient juste du thé. D’habitude, les grèves de la faim ne fonctionnent pas. Ils s’en foutent ! Il y a eu aussi une Somalienne qui n’a pas mangé pendant presque deux semaines. Les employés allaient lui parler de temps en temps et elle a fini par craquer. Quand elle a arrêté sa grève de la faim, ils l’ont expulsée au Kenya, parce qu’elle était venue de Somalie via le Kenya et que de toute façon, il n’y pas de vols pour la Somalie. Trois semaines après son expulsion, on l’a vue revenir au centre. On l’avait déportée quatre fois en trois semaines dans des pays différents, qui n’en ont jamais voulu. Maintenant elle est toujours à Steenokkerzeel. Un jour, des gens des Nations Unies sont venus lui parler. Je ne sais pas ce qu’ils vont en faire.
Dans les cellules d’isolement, il y a juste un petit lit, une couverture très petite, une toilette, dont on ne peut pas actionner la chasse soi-même. On doit les appeler, et ce sont eux qui le font. Mais parfois, ils ne s’occupent pas de vous et vous restez dans les odeurs. On ne peut rien prendre dans la cellule, même pas un morceau de papier. On est très seul en cellule. J’ai connu des gens qui y sont restés vingt-quatre heures, d’autres trois jours. Ils vous y enferment s’ils jugent que vous vous conduisez mal avec les employés, si vous essayez d’abîmer le matériel, de briser une fenêtre. Aussi quand vous revenez de l’aéroport avec un rapport disant que vous avez été "difficile". Mais l’isolement ne sert à rien, à rien d’autre qu’à rendre plus forte votre rage. Ca ne change pas grand chose d’être en cellule ou ailleurs dans le centre. De toute façon, on n’est pas libre. Ni dans la cellule, ni nulle part dans le centre. Qu’est-ce que ça change ? Parfois, quand quelqu’un sort de cellule, il se conduit de nouveau "mal". Ca ne sert à rien.
On se sent très impuissant. On est très surveillé, parfois, on nous défend d’appeler certains numéros de téléphone, on ne peut parler qu’aux employés, pas à la directrice. Et même si on arrive à lui parler, ça ne sert à rien. Tous dans le centre disent que toutes les décisions sont prises au ministère, qu’eux ne peuvent rien. Quand des gens essayent de nous rendre visite, on leur refuse l’entrée. Il n’y a que l’aumônier qui vient régulièrement et quelques ONG qui ont la permission d’entrer. Mais sur deux mois, je n’ai vu qu’une personne d’une ONG.
Je sais que le ministère dit que les centres ne sont pas des prisons. Si ce ne sont pas des prisons, pourquoi est-ce que je ne peux pas sortir me promener ? Dans ce centre, on me nie ma liberté. C’est un endroit où personne n’est heureux. Personne n’a de vraie joie. Parfois, on parle, on rit, on crie, mais à l’intérieur de soi, personne n’a de vraie joie. On n’est pas enfermé tout seul dans une cellule, nous sommes plusieurs dans une chambre et nous pouvons aller quand nous voulons dans la salle de séjour. Mais ça ne fait pas une grande différence avec une prison.
Dans une prison il n’y a pas de liberté. Dans les centres, il n’y a pas de liberté. Dans une prison il n’y a pas de joie. Dans les centres, il n’y a pas de joie.
Sarah, Sierra Leone
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