Semira : plainte contre deux ministres

Un an d’enquête
mercredi 22 septembre 1999.
 

Un an jour pour jour après la mort de Semira Adamu, la Ligue des droits de l’homme incrimine Johan Vande Lanotte et Louis Tobback.

Dans le cadre de l’enquête sur la mort de Semira Adamu, la Ligue des droits de l’homme avait déposé plainte contre X et s’était constituée partie civile. La Ligue décide maintenant d’aller plus loin : elle dirige une plainte contre les anciens ministres de l’Intérieur Johan Vande Lanotte et Louis Tobback.

C’est entre les mains du procureur général près la cour d’appel de Bruxelles que l’avocat de la Ligue, Luc Walleyn, va déposer ses doléances ce mercredi. Celles-ci visent les ministres de l’Intérieur en tant que responsables de la décision de la politique du coussin - fatale à Semira - et de la poursuite de cette politique.

La Ligue des droits de l’homme espère que, ainsi, le juge d’instruction pourra vérifier si, dans les cabinets ministériels concernés, il y a bien eu des réunions, des discussions et des décisions visant à mettre au point cette technique. En fin de course, le souci de la Ligue est de dynamiser l’enquête afin d’éviter que l’on ne se rabatte que sur des lampistes.

Un an d’enquête

Un an jour pour jour après la mort de Semira Adamu, toute la clarté n’a pas encore été faite sur les circonstances de son décès. Certes, le rapport rendu par un collège d’experts le 29 décembre de l’an dernier a rejoint les conclusions auxquelles le médecin légiste était arrivé au moment du décès, le 22 septembre : la jeune Nigériane a été étouffée lors d’une tentative de rapatriement vers le Togo.

A ce jour, les trois gendarmes censés encadrer la jeune femme durant le trajet ont été inculpés du chef de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. L’un de ces gendarmes avait déjà été suspendu par sa hiérarchie durant un mois en janvier 1998. Lors du rapatriement d’un ressortissant marocain, il avait été surpris par des collègues alors qu’il maltraitait le candidat réfugié. Le rapatriement de Semira n’était que sa seconde mission depuis lors.

Après un long congé de maladie, les trois hommes ont ensuite fait l’objet d’une mesure d’ordre intérieur temporaire. L’un a rejoint le district de Genk tandis qu’un autre preste à Hasselt. Le troisième se trouve quant à lui aujourd’hui au groupement d’appui de Bruxelles. Le chef de corps du détachement, le lieutenant-colonel Tempels, a depuis lors été remplacé par son collègue Franckx après être devenu instructeur à l’école de gendarmerie d’Etterbeek.

Depuis plusieurs mois, le parquet de la capitale a annoncé qu’une commission rogatoire allait se rendre au Maroc afin d’y entendre le candidat réfugié molesté par l’un des gendarmes lors de son rapatriement. La juge d’instruction Colette Calewaert a finalement donné son accord au début de ce mois.

Un autre acte d’instruction évoqué de longue date, et pour lequel le magistrat instructeur vient de donner son aval, concerne l’audition de... l’ancien ministre de l’Intérieur, Johan Vande Lanotte. Nouveau ministre du Budget et de l’Intégration sociale, le ténor du SP va être amené à s’expliquer devant la police judiciaire sur l’application du coussin lors des rapatriements.

Quant au personnel de la Sabena présent à bord du Boeing lors du décès, il a été entendu quelques jours après le drame. Occupés à l’accueil des autres passagers, il semble que le pilote, les hôtesses et les stewards n’aient pu apporter que peu d’éléments à l’enquête. Ils ont néanmoins dû participer aux deux reconstitutions exigées par la juge d’instruction. L’une dans les locaux de la PJ de Bruxelles et l’autre dans un hangar de l’aéroport de Zaventem.

Reste à en savoir plus sur le contenu de la cassette vidéo réalisée par les gendarmes au cours des événements. Divers commentaires ont qualifié les images d’"insoutenables". On y verrait clairement les souffrances de Semira durant plusieurs minutes. Les mains maintenues dans le dos et le coussin appliqué par un gendarme sur le visage, elle étouffe en direct.

La juge d’instruction Calewaert estime que le dossier pourrait être bouclé et présenté devant la chambre du conseil vers les mois de mai ou juin prochains. Le procès pourrait donc s’ouvrir avant la fin de l’an 2000.

J.-P. Borloo et F. Delepierre in Le Soir


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